mercredi 25 novembre 2020

De nombreux pas

 J'ai abandonné

 de nombreux projets

 nombreuses pages

 nombreux rêves.

J'ai réalisé 

de nombreux pas pourtant

 nombreuses marches

 nombreux souffles.


Sur les murs de l'ancienne cité, j'ai gravé des formules, murmuré des prières, ourdi des vœux magiques.

J'en ai franchi les portes, comme dans les récits de guerre, baissé ma garde au son des trompettes, salué le soleil d'un hochement de tête.

Je suis partie.

J'ai repris la marche dans la chaleur du monde, traquant les oasis quand elles partaient se perdre, délaissant les chemins de ronde.

Je suis allée tout droit, n'ai pas tourné à droite après la première étoile, ai laissé aux enfants leurs paradis perdus.

J'ai avancé sans monture, sans pages ni escorte. A la main aucune carte, mes pupilles pour seule boussole.


Alors, je me suis perdue, perdue sans le savoir, ne connaissant ni la route ni la destination.

J'en suis arrivée là, dans ce coin de monde qui m'est familier, arrêtée pour un temps à l'ombre des étoiles, accueillie par l'hospitalité des cailloux.

Je prends du repos ou je m'installe peut-être, l'avenir le dira, lui qui dit si bien les histoires à suspense, lui qui ne prévient pas.

J'ai laissé derrière moi

 de nombreux projets,

 nombreuses pages,

 nombreux rêves.

Je me suis délestée de leurs poids.

J'ai effectué, ainsi, 

 de nombreux pas.







dimanche 25 octobre 2020

A tâtons

 Je voulais écrire

sur la douceur d'hier

le bon du soleil sur les peaux

et du chaud dans les coeurs

sur les mains serrées des amoureux

et les tâtonnements joyeux des miennes

Sur l'envie conquérante et heureuse

qui faisait palpiter les corps 

l'un contre l'autre

sur les bancs de sable d'une plage en automne.


Je voulais parler

du parfum singulier

d'une glace en octobre

du goût volé à juin, aout, juillet

prenant à bras le corps

l'été indien

Parler de ces conversations banales,

attrapées au croisement des passants

et des mots tout simple qui sortent des bouches

sans grand intérêt, et si importants.


Je voulais chanter 

le retour du printemps

tout au coeur de l'automne

et laisser le temps

faire son job

et regarder la mer, la mer

la mer encore

qui s'étale et paresse 

tandis que moi, je cherche.




jeudi 15 octobre 2020

Le couteau

 Un jour, tu m'as offert

un couteau.

Les gens se sont exclamés :

"Malheur à celui qui reçoit le couteau!"

Le même jour, je t'ai offert

un couteau.

Les gens se sont écriés :

"Malédiction pour celui qui reçoit le couteau!"

Et nous, nous avons sourit

et nous, nous avons rangé chacun le couteau dans notre poche

et nous l'avons utilisé, usé, aiguisé, refermé dans son tiroir

et nous avons continué nos vies

Nous nous sommes couchés dans le même lit, enlacés dans la cuisine au petit matin, 

nous avons parcourus ces rues ensemble, les rues de notre quartier vers des moments gais et tranquilles.

Nous n'avons pas pensé au couteau.

Le printemps venu nous avons troqué nos lourds manteaux contre des draps légers et nous avons couru vers les eaux claires de ce lac qui depuis longtemps nous appelait.

Nous nous sommes réveillés l'un à côté de l'autre comme tant de matins et nous avons rit du soleil sur l'oreiller, rit du pain dans le four et des promesses sur nos mains.

Nous avons bu l'eau des rivières avec nos yeux et nos oreilles dans les montagnes vertes, nous avons pétri la farine et les oeufs des repas de fête, toujours le sourire aux lèvres et nous avons chanté plus fort lorsque la nuit tombait.


Un matin nous nous sommes réveillés pourtant dans des lits différents. Un matin tout était terminé.

Nous n'avons pas pensé au couteau.

Walden Pound, Massachussets, from the Lonely Planet



mardi 6 octobre 2020

le Batteleur et le Mat

 Commence et choisis.

N'hésite pas.

Saisis-toi d'une chose et ne la lâche pas, oublie les autres et avance tout droit.

Tu dois te lancer. 

Tu as devant toi tout ce qu'il te faut et tout ce dont tu n'as pas besoin, alors vas-y, commence et choisis.


J'ai préparé mon grand mouchoir tu sais, je l'ai lavé, repassé et plié soigneusement en quatre, rangé dans 'l'armoire. Il attend sagement que je vienne le prendre et que je m'en serve, le moment venu. Celui où je dirai aurevoir.


Avance et décide,

Décide du chemin, du nombre de pas , de la destination si tu le souhaites.

Laisse les rencontres aux hasards et à ses doigts malins, ne te trouble pas, reste concentré, ne doute pas de ce que ta main a saisi et ne pense plus à ce qui a été laissé sur la table.

Il est temps de partir, en voyage et pour toujours, il est temps de ne plus se retourner, d'accepter ce qu'il y a devant et de ne plus penser à ce qui est derrière,  il est temps d'ouvrir l'armoire.



Le soleil

 C'est bien ironique, tu te caches depuis le début, tu n'apparais que par fragments, tu te joues de mon moral et de mes prévisions . Le soleil. Carte positive par excellence à moins que l'on ne soit desséché déshydraté à moins que l'on n'ait même plus de larmes pour te pleurer c'est rageant soleil tant que tu n'es pas là je suis sèche à l'intérieur et dehors il pleut il pleut il pleut encore et mes yeux restent secs et mes yeux restent fixes comme les tiens sur cette carte. Une journée de soleil et les pleurs reviennent à moi or depuis 10 jours tu es à peine là. Peut être est-ce ce qui vraiment se passe, peut- être le ciel pleure-t-il pour moi. Alors on se moque un peu parce que je prédis la pluie, on me traite de Cassandre ne voyant que le mal advenir mais c'est que l'on n'a pas compris que plus que jamais mon corps est plein de larmes que plus que jamais si vous me secouez c'est tout ce qui en sortira et que puisque le ciel semble avoir pris la décision de me remplacer dans ce déversement d'eau, je peux vous dire avec aplomb, oui il va pleuvoir, oui cela continuera car j'ai le coeur en morceaux et je ne vois pas quand cela ne sera plus le cas.




jeudi 1 octobre 2020

La justice

 Arbre, quel est ton nom?

Ruisseau, quel est ton nom?

Je tends l'oreille espérant que vous me soufflerez les réponses, je ne crois plus rien de ce qui est écrit dans les livres, je crois que vous seuls pouvez me dire si ce que je cherche existe, si ce que je cherche a un nom.

S'il n'en a pas, nous lui en donnerons un, vous avec moi comme un seul être fait de mousse, d'eau, de terre, d'écorces et de sang.

Combien d'esprits chantent dans vos branches et dans votre lit?

Je construirai un temple modeste de mes modestes mains et y glisserai de petits présents, des mots doux à vos oreilles,

j'y célébrerai un culte, bien plus beau  bien plus puissant que tous les cultes existants, à votre image.

Les passants pourront venir s'y réchauffer l'âme, à défaut d'autre chose, l'âme et le coeur auprès de vos doigts caressants.

Alors dis moi, Arbre, quel est ton nom?

Ruisseau, quel est ton nom?

Tandis que je cherche, interpelle  et bute sur le nom des choses, vous vous êtes là.

3L'équilibre, la perfection, ce n'est pas la symétrie" et dans le désordre de vos racines, de vos feuilles et  de vos cascades, résonnent le parfait le plein et l'harmonie.

Je construirai un temple modeste, je n'écrirai pas de nom sur le fronton, j'oublierai le mien et je m'endormirai lorsque viendra l'averse.




lundi 28 septembre 2020

La maison dieu

 De quoi a-t-on besoin?

De quoi est fait le monde?

Sous la tour deux êtres dansent la tête en bas

Sous la peau deux coeurs battent au même rythme

La maison est le temple

Le corps est la maison

Ce qui en haut s'en échappe

Pour nous n'a pas besoin de nom

Il est la fureur des larmes restées à l'intérieur

Il est l' énergie des rêves que l'on n'a pas contés

De quoi a-t-on besoin?

De quoi est fait le monde?

Du ici et de là-bas

du dedans et du dehors

du chaud et du froid

de ton corps et du mien .




La force

 La force, c'était peut-être de partir

alors que mes pieds ne vouaient pas quitter le sol

ni mes mains te lâcher.

La force, c'est celle qui me manque pour imaginer l'après 

sans tes yeux,

pour comprendre que j'attends des oiseaux 

qui ne reviendront pas

que j'entretiens dans mon coeur de vieux chants

qui ne seront repris par personne.


La force, elle a ce lion a côté d'elle 

et elle le promène comme un félin de compagnie, le plus cruel et le plus royal de tous ceux des histoires de rois.

La force, c'est une femme,

mais je sais bien que ce n 'est pas moi.

Je me tiendrais loin du lion, si j'étais elle, 

je me tiendrais loin des rois,

je me ferais un petit nid dans une petite cabane au fond des bois,

le soir venu j'en refermerais bien la porte et les volets, 

le soir venu je resterais seule pour pleurer 

parce que tu n'es plus là.




samedi 26 septembre 2020

Le chariot

Conducteur du soleil

il n'y a sous tes pas que la terre, la terre et elle seule, solide et fière

il n'y a dans tes prédictions que l'avenir au gout de vin puissant

pas de doutes sur le chemin à prendre, tu l'as déjà tracé pour nous

sinueux mais sans haltes, 

pas de retour sur nos pas, car la route derrière a disparu

et le sol devant toi a la couleur du feu,

de la pluie et du vent à la fois.






Le pendu

 A l'envers

    je danse

A l'endroit

    je me perds


A l'envers

    j'explore

A l'endroit

    j'épie


A l'envers

    je respire

A l'endroit

    je cherche mes appuis


A l'envers 

    je suis libre

A l'endroit

    je me rends





jeudi 24 septembre 2020

Le diable

 On dit

le diable est dans les détails.

et tout, autour de moi, 

Chante. 

Et j' observe

 les cailloux

et j'observe

 les feuilles des arbres

et j'observe

 la chute d'eau se rompre en petits éclats de mousse

Et je me dis

 le diable a, décidément,

de bien jolies couleurs.




mercredi 16 septembre 2020

La page blanche




Tu n'inventes rien, tu sais. Tout est déjà là. 
Tu te souviens, enfant, lorsqu'avec ton frère vous vous écriviez des messages à l'encre sympathique? Cette impression de faire de la magie ; et bien c'est la meme chose.
Tout est déjà là.
Ton travail n 'est pas de remplir, mais de révéler. Si tu te penches et observes la page d'assez près, tu les verras s'agiter, les mots. Les fantômes des histoires oubliées. Ils sont toujours là.

Il y a très longtemps, chaque feuille de papier était couverte de récits que les sages se transmettaient depuis le commencement, depuis des débuts si lointains que l'on ne se souvenait plus de leurs noms.
Aucune page n'était blanche, tout un chacun pouvait de saisir d'une d'elles et recomposer une histoire à partir de ce qu'elle contenait. Un réservoir à idées, un puit de mots auquel étancher sa soif.  Personne ne se sentait bloqué devant l' inconnu, il n'y avait alors que l'infini des possibles.

Avec le temps les mots se sont effacés et nos yeux ont désapprit à les voir, on ne sait plus dans quel ordre. Mais un souvenir, meme oublié, existe encore quelque part ; si ce n'est plus dans ta mémoire, il y aura toujours quelqu'un pour se rappeler s' etre assis sur ce banc avec toi, cette promenade un dimanche sur la plage, ce bouquet de bleuets dans ta main. Il y aura toujours des lieux pour retrouver ce que l'on croyait perdu.

Tu n'inventes rien, tu n'as qu'à te laisser guider, porter, bercer par la page blanche. Ton stylo et tes doigts comme outils pour retracer une route que tu connais déjà, tu l'as déjà prise, elle est très belle, tu verras. Tu vas t'en rappeler.

Au jardin

 

Je te sais plein d’ histoires et de secrets

 et de ces sentiers cachés dont nos pas se tiennent loin

 aléas des travaux et des efforts non faits. 

je te sais plus grand que ce que les yeux peuvent dire ;

 et bien plus complet qu’un simple nom sur une carte.

 Je te sais haut et fort tels les plus vieux arbres sur tes plus vieilles pierres ;

 je sais que les inconnus et les illustres ont parcourus tes allées, sans qu’ on n’ en sache rien.

 Je sais l’emplacement de l’arbre à secrets mais je ne sais pas qui le débarrasse de ses messages et quand, et je ne sais plus si moi- même j’en ai déjà déposés- n’est-il pas triste de ne plus se souvenir de mots d’amour ni de ses souhaits? 

Je te sais toujours accessible, poumon caché en bordure des anciens remparts, lieu de repos ou d’attente, les yeux en larmes ou bien plissés par le soleil.

 Je te sais vaste bien que petit et beaucoup plus intéressant que tous tes frères aux quatre coins du pays. 

En vérité, avouons - le, je te connais mal.

 Je te sais là, et cela me suffit.