mardi 2 août 2016

les champs des possibles

Parler italien pendant près de 3h, 10 mois plus tard je ne sais plus trop dans quel sens se forment les mots entre ma bouche et mon cerveau, Ci sono cose che ti mancherano in Cambodgia? oui la question je me la pose depuis depuis un moment,  oui la réponse est oui et très honnêtement je suis plutôt adepte de la  mélancolie alors c'est sûr que oui,  des textes sur le cambodge il y en aura, des mots pour sussurer  le manque, essayer d'esquisser ce que ces rues, ces bruits, des odeurs ont pu créer en moi et c'est comme ça que je le vois. On vous dira c'est une expérience, je rétorquerais bien non ce sont des traces, en moi indélébiles, si je devais faire ce tatouage après tout il serait bien plus compliqué que ce que je pensais. Il y a désormais tant de chemins à retracer.
Le champ des possibles. Toutes ces routes non suivies parce qu'à un moment on a dit non au lieu de oui. Était-ce la meilleure solution? Aujourd'hui dans l'escalier mon coeur a battu plus vite parce que 'IL était là prêt à être  croisé, son corps à frôler, l'espace de peu et en fait il a fait demi tour et mon coeur a stoppé net.  c'est bête, ai je pensé. Nous tenterons demain, à nouveau, moi tout du moins.

Je regarde rétrospectivement les pas qui m'ont menée jusque là. Je crois toujours en l'indéfectible signification du rien, du peu, du quotidien. Il y a bien une raison. Je cherche, je creuse, je sonde chaque parois de mon coeur, de mon cerveau, de mon ventre. J'essaye de savoir qui a raison. J'essaye de ne pas écouter celui qui me dit reste ni celui qui  dit part car aucun des deux ne sait le pouvoir de l'autre .je cherche la 3e voie. elle se fait attendre.

Dans mes nuits il y a des rêves, des rires et des chansons. Je songe souvent que ce serait bien mieux si je les chantais.
Phnom Penh voici la fin, la chute et je ne suis pas sûre que ce soit le bon chemin, mais quelqu'un l'a illuminé pour moi et j'ai tendance à faire confiance aux autres plutôt qu'à moi même. Un jour sans doute je m'en mordrais les doigts.

Parler italien pendant près de 3h me rappeler  que mes rêves étaient faits de cette langue et de cette mythologie, me rappeler qu'en rentrant je cherche aussi à m'y réfugier, que tout n'est pas perdu, que ma route ne s'arrêtera pas sur les pavés de Marseille..



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vendredi 8 juillet 2016

extraits nippons



-Sous les arcades de Kyoto j'avance d'un pas mesuré et les haut parleurs se chargent de jouer la B.O de ce film à double vitesse. Celle extérieure et celle de mon cerveau.

-Retour au Japon accueillie par des mots et des mains réconfortants, des mains qui se posent sur mes épaules "toi tu as le dos de quelqu'un qui n'a pas parlé" et c'est vrai, cela résonne en moi comme une évidence déjà avouée.

Je repense à cette autre phrase, lue cette fois, et qui ne parle pas de moi ou si peut être, et là aussi c'est exactement ça, mes organes résonnent trop fort aux sons des voix, des pensées, des non dits mais je ne cherche plus la fuite.

-Il y a ce corps dont on cache ou dévoile à loisir les aspérités et les secrets. Je suis ce corps, ces muscles tendus et cette peau sèche, je suis ce corps, je suis ce corps, comme un mantra.

-J'ai du temps à perdre et je n'aurais pas de regrets car en n'attendant rien on ne se déçoit pas.
Je ne peux pas épuiser la multitude, je ne peux pas décrire en une liste ce sentiment particulier d'être envahie sous une multitude de bruits, de choses, de sens et en même temps sentir grandir à l'intérieur de soi une paix bien appréciable.

-Faire des kilomètres autour de la terre, lorsqu'on ne sait plus pourquoi, on tente de trouver des signes.
Au musée d'art moderne, c'est Max Ernst qui m'attendait.
Découvrir une ville en en suivant le lit, celui de la rivière qui rythme au hasard les vies citadines. On est plutôt bien ici , c'est ce qu'on m'a dit hier et je veux bien le croire, cela se sent, cela s'infiltre en vous malgré les vêtements, malgré la carapace à émotions.
Si je devais fêter cet anniversaire, c'est sur ma peau que je graverais Athéna en symbole, gratter l'écorce jusqu'à sa sève et laisser transparaître au soleil les traces de la douleur, celle qui peu à peu s'amenuise mais comme tout coup trop dur laissera toujours sa marque. S'il le fallait j'afficherais publiquement l'enfant aux yeux de charbon, un oiseau noir au centre du coeur.

Entre devoir et vouloir la vie tranche parfois pour vous et si on lui fait un peu confiance elle suit la rivière dans le bon sens.
Il est 20h35 et il pleut doucement sur Kyoto, l'équilibre.





J'ai la beauté facile et c'est heureux.
Je glisse sur le toit des vents
Je glisse sur le toit des mers
Je suis devenue sentimentale
Je ne connais plus le conducteur
Je ne bouge plus soie sur les glaces
Je suis malade fleurs et cailloux
J'aime le plus chinois aux nues
J'aime la plus nue aux écarts d'oiseau
Je suis vieille mais ici je suis belle
Et l'ombre qui descend des fenêtres profondes
Epargne chaque soir le coeur noir de mes yeux
Paul Eluard, La parole

vendredi 17 juin 2016

les mots des autres




Relire un auteur qu'on aime beaucoup, au hasard des pages internet et tomber sur ce passage, qui ne dit rien de plus que le vrai.
Les mots des autres pour panser des blessures, au fond c'est ce qui réchauffe, même sous 40 degrés, même lorsqu'on a  oublié le froid. Les mots des autres quand les miens ne viennent pas. Reste à savoir où les crier.





Brunella – Tu as mal au ventre, Gaby ?
Gaby – Je n’ai pas mal au ventre, pourquoi tu dis que j’ai mal au ventre ? Pourquoi tu crois toujours que j’ai mal au ventre ?

Brunella – Parce que tu as souvent mal au ventre.

Gaby – Je n’ai jamais mal au ventre.

Brunella – Tu as mal au ventre, parce que tu ranges des phrases à l’intérieur de toi, plutôt que déranger les autres avec.



Fabrice Melquiot M'man

dimanche 5 juin 2016

à partir de cette photo

Je respire , c'est le premier mot qui lui vient. ce n'est pas vraiment un mot d'ailleurs, c'est une sensation mise en paroles. Le bonheur a peu à peu pris la place sur la photo et on oublie les traces de luttes qui persistent sur le sable. Des générations ont essayé avant nous, et bien d'autres s'y mettront après, prétendre en attendant de ressentir. Des corps se pressent en arrière plan. Les rires sont discrets, les regards un peu fuyant, nous tentons de laisser derrière nous nos meilleurs profils. Ton coeur en contrepoids du mien a une chaleur différente et même maintenant en regardant simplement le cliché  je crois que je le sens encore. Mon sang le sait, mon ventre s'en souvient. Ma viande, disais-tu  La femme au premier rang a arrêter de regarder l'objectif depuis longtemps. La dignité se cache dans ce genre de détails.
Les autres ont voulu écrire un mot sur le sable et il n'a pas été difficile à choisir. LIBERTÉ, écrit en gros. Des millénaires s'écouleront sans doute sur cette plage alternant les protagonistes et le texte écrit à même le sol. L'enjeu en sera toujours le même. Manger une dernière fois la lueur du soleil avec nos yeux, nos mains, nos ventres, s'en nourrir comme de pain. Attendre le dernier clic et puis se séparer, moi, les autres, la fille qui respire mieux maintenant et la femme du premier rang, et toi et ton coeur battant dans la pénombre qui arrive et peu à peu se répand, sur nous et sur le monde.

vendredi 27 mai 2016

art thérapie

Je me souviens de la pluie sur la table et dessous, de l’odeur du bougainvillier, de la glycine. Des photos de vacances en vrac à ne plus savoir quoi qui quand.
Je me souviens des premiers spectacles, ceux intimistes sur l’herbe du jardin et les vrais là dans cette cour/garage/cinéma et les feux des projecteurs braqués sur d’autres que moi mais je sens bien que c’est mon cœur qu’on illumine.
Je me souviens de ma respiration à l’approche du lever de rideau symbolique, qui s’intensifie, qui prend plus de place, dans le noir on ne doit entendre qu’elle pensais-je.
Ce n’est pas moi qui remet tout en jeu et en question ce soir mais c’est moi quand même.

Je me souviens déjà du visage de mes étudiants, de leur concentration, écrire le bon mot à la juste place et choisir celui qui correspond le mieux à l’émotion tapie tout au fond. Je ne me souviens pas encore, mais bientôt, de leurs textes affichés au mur et de leur portrait en contrepoids. On ne sait pas qui a écrit quoi. On ne sait pas mais on joue à deviner et c’est beau comme ça, c’est juste comme ça .
Etre juste, voilà ce qu’aux cours de théâtre on nous répétait.

Il n’est toujours et uniquement question, il me semble, que de défendre le beau face à  l’utile. Au milieu de ces objectifs de communication, de praticité, voir surgir l’esthétique pure et simple, l’émotionnel qui ne demande rien à personne si ce n’est à soi et en saisir tous les bénéfices. Il n’y a pas de compte à rendre. Il n’y a plus d’explication à donner. « Mais à quoi ça sert ? quel est l’objectif ? » je n’en ai rien à faire et je ne m’en défendrai pas. Mais cela ne sert à rien mesdames messieurs cela ne sert à rien comme ne servent à rien la lumière du soleil le matin sur la terrasse et l’ombre de la lune dans le jardin, les mots de Neruda dans un vieux livre et les mains qui se promènent sur un piano, la douceur de la Méditerranée en septembre et le goût du pain. A rien. Je ne veux plus que de l’inutile, de l’incompétent et du sans rendement. Je ne veux plus de résultats comptables ni de statistiques. Qu’on ne me demande plus de prouver quoi que ce soit.
Dans les « je me souviens » de mes apprenants il y a avait les temples, la terreur, la vie, le bonheur et la viande. Dans leurs petites  phrases éparses, si difficilement formulées, remplies de fautes et de maladresse, il y avait l’enfance. Il y avait la beauté. Ils ne m’ont pas demandé à quoi ça sert.

dimanche 1 mai 2016

partir du corps

Sur mon carnet un peu plus tôt, en pensant à cet espace là à remplir, j'ai écrit le mot corps et sous la pointe de mon stylo il ressemblait plutôt à coups.
 
J'écris "corps" et on lit "coups" et c'est un peu ça , cette lutte permanente entre le dehors et le dedans, entre ce que l'on montre et ce que l'on est, mais comme le dit si justement Nancy Huston, nous sommes aussi ça, aussi ce corps alors pourquoi tant le nier?
Etrange comme on y porte beaucoup d'attention, on le maquille, on le pare, on le modifie au grès du temps, des modes, de l'âge tout en passant les 3/4 du temps à affirmer que ce dehors là, ce n'est pas vraiment moi.
 
"la seule chose fiable, c'est le corps" ou quelque chose comme ça, prononcé par Vimala Pons un jour de radio, prononcé par une circassienne, elle s'y connaît. Hier en assistant à un spectacle de cirque -le premier spectacle en 7 mois, cela m'avait tellement manqué- j'ai repensé à cette phrase et à sa force contenue en de si petits mots. Le corps.
 
Où en suis je aujourd'hui avec le mien? Quelles en sont les limites, les forces , les points de confiance, les points de confidence? J'ai toujours aimé ce faux ami de l'anglais -confiance/confidence- ce lien entre deux choses qu'en français on donne à quelqu'un d'autre. Et à soi? Donner sa confiance à quelqu'un . Prendre confiance en soi. Si l'on prend, est-ce parce que quelqu'un nous le tend? Ou au contraire est-ce une chose posée là au hasard dont on peut se saisir à tout instant mais alors tout le monde pourrait aussi la prendre à notre place?
Peut-être que si l'on n'a pas confiance en soi, c'est simplement parce que quelqu'un d'autre et passé par là et l'a prise avant nous. Devrions nous partir à la recherche de ces personnes détentrices de nos confiances en nous?
 
 
Aujourd'hui avant ces mots et après il y a eu la vue sur riverside depuis ce café si peu cambodgien, les enfants des rues tous nus sur la rive, le ballet des tuktuk et des scooters, il y a eu des phrases en khmer prononcées avec hésitation et la confirmation dans le sourire de mon interlocuteur "why do you learn khmer? " comme si ça n'allait pas de soi, ici, d'apprendre le khmer. Il y a eu la pluie, forte et inattendue, les discussions sur la résilience des cambodgiens après les khmer rouges, les enfants qui jouent à la balle juste en bas, juste à côté, dans ma rue. Il y a eu cette heure sur le canapé gris dans ce décor blanc à attendre quelqu'un avec angoisse et envie, cette heure occupée à aligner les mots sur mon carnet. De la quiétude dans Phnom Penh, cela faisait longtemps, cela faisait du bien.