lundi 27 octobre 2014

Clichés

Il y a cette tendance lorsque je suis à l'étranger à exacerber les traits si "français" de ma personnalité et à en tirer une certaine fierté. Oui je traverse la rue alors que le piéton est rouge, oui je cuisine tous les jours, oui je parle fort dans les lieux publics, oui je fais la bise aux inconnus. Face à cela, la lutte quotidienne pour ne pas enfermer dans des boîtes les citoyens allemands croisés tous les jours.- Les allemands sont comme ci, comme ça. C'est tellement allemand ! Ils ne peuvent pas s'en empêcher-
Je me rappelle à chaque fois la phrase fétiche d'une de mes profs de sociolinguistique, au sujet de l'interculturel et des stéréotypes : "le stéréotype c'est quand on dit "tous les x sont des y".
Et de notre perplexité à se demander si tous les y étaient pour le coup des x.

Ici soufflent toujours le chaud et le froid. Entre l'italien typique qui ne peut terminer sa journée sans pasta e caffè et l'Anglais qui parle de son peuple à la 3e personne du pluriel "Ils mangent mal!", faut- il continuer à jour le rôle de la petite française et si oui, quels en sont finalement les traits? Une fois dépassés la baguette, le croissant, la Tour Eiffel et les escargots - comme aiment à me le rappeler les enfants - que me reste-il de si français à défendre?

Pourquoi je me sens française? Est-ce que je me sens française?
Je me sens je crois avant tout habitée par ma langue, par celle qui a bercée mes jeux, l'école, mes premières fois.
Au bout d'un long moment à l'étranger, lorsqu'on ne rêve plus que dans cette ou ces autres langues, comment se sent-on? Devient-on "plus" ?

Est-il obligatoire de choisir entre le déni et la passion?
Faut-il absolument coller aux représentations de notre nationalité ou chercher au contraire à les nier en bloc? Ne peut-on pas simplement laisser transparaître tout ce que cela implique de plus complexe, d'être "français", "anglais" ou "mexicain" ?

Il y a de nombreuses choses que j'aime ici dans la manière de vivre et de nombreuses autres qui ne plaisent pas. Je retrouve dans d'autres pays des gestes, des sons qui me font me sentir comme "chez moi".
Je me sens française parce que mon enfance l'est, mes racines le sont, mêlées à d'autres influences peu certaines mais bien présentes et c'est avec ce fond là que je veux avancer, saisir le meilleur de partout pour construire ce qui me sied à moi, ce qui plaira aussi, je l'espère, aux autres.
Je ne crois pas qu'ici ou là-bas soit meilleur que n'importe où. Le bon et le beau sont partout. Il suffit de les faire ressurgir.



 
 
Pour rire un peu avec les clichés, ici et
La prochaine fois, il faudra que je parle de gâteaux.

mardi 21 octobre 2014

Automne


On marche sous la pluie et on prend goût à ces signes légers de l'arrivée proche maintenant du froid et du gris mais pas tout à fait encore - feuilles qui rougissent, tasses qui fument, lumières aux fenêtres qui ramènent la joie dans le creux du soir.
Dans les magasins c'est déjà Noël mais dans nos têtes pas encore on voudrait profiter de ces heures-ci qui semblent douces et les passer à préparer des baumes pour nos coeurs et nos corps.
Le ciel ne sait pas trop lui non plus sur quel nuage danser et où poser ses pas, entre rayons et gouttes, entre grondements et chants.
Bientôt il choisira pourtant et la route qui sera suivie , noire, rude mais peut être blanche aussi, rouge et dorée mais cela sera pour une autre fois, d'autres mots et d'autres images.
Pour le moment c'est encore l'automne et il faut guetter l'orange et le vert tendre, capturer les couleurs dans des bocaux à merveilles, laisser l'air se refroidir dehors et se réchauffer dedans, à l'intérieur en profiter pour  écouter au calme notre souffle qui s'apaise.

vendredi 10 octobre 2014

Dans la solitude des autoroutes

3 semaines déjà de visites d'écoles et  1000 km parcourus.
Il es étrange de constater que à la fois tout et rien ne se ressemble. Même phrases d'accroche face à la classe, même formules de politesse aux auberges de jeunesse, même ciel au dessus de mon toit sur les routes du Meck-Pom ou du Schleswig Holstein.
Chaque école, chaque classe est différente pourtant et chaque petite ville rencontrée dégage une saveur particulière. Au nord, les embruns du Danemark, à l'est, ceux de l'ancienne RDA.

Il es étrange aussi ce sentiment qui m'anime le soir lorsque je rejoins la chambre d'hôtel, à la fois plein d'une mélancolie nordique, brumeuse, un peu lourde et apaisé par le calme de toutes ces ruelles, la chaleur des maisons, le cotonneux de l'air. Comme si mon coeur ne savait pas dire si la vie à ces endroits serait plutôt douce ou terriblement angoissante. L'angoisse du vide.

Quoi qu'il en soit, ce vide, le vert des forêts, l'immensité du ciel contrastent avec les flots de Hambourg, ses lumières, ses bruits, ses immeubles rouges et gris. Et l'aller-retour quotidien entre les deux donne son attrait au chemin.

Sur l'autoroute, cadavres de renards et de castors, seuls (ex) êtres vivants rencontrés pendant quelques kilomètres. Afin de ne pas sombrer dans un sommeil d'ennui, je regarde le ciel, les arbres, et je me dis que oui , c'est loin, mais c'est beau ce vide aussi , et puis ça remplit des lignes de cahier ensuite, puis des lignes d'écran et ça remplit des pupilles, des têtes qui se demandent sûrement à quoi cela ressemble en vrai.
Et surtout je me redis que toutes ces villes traversées, ces endroits où je vais m'arrêter pendant ces prochains mois méritent bien quelques mots sur un blog et encore plus pour moi, pour qui voudra, un cahier à part entière pour se souvenir d'eux.

Dans la solitude des autoroutes je rêve aux lieux qui m'entourent et que je ne connais pas, je rêve à quoi faire de toutes ces images et à quoi en dire, à qui, et puis au bout de la route je retrouve toujours le port, Hambourg, les amarres, je ne le pensais pas comme cela, mais finalement oui.

dimanche 28 septembre 2014

Un tour chez Emil

Partir pour un premier tour, presque jusqu'à la frontière du Danemark, et voir les paysages se mouvoir, le ciel s'agrandir, les couleurs se préciser.
Au hasard d'une petite ville -mais avec une grande école et plein d'envies et de projets pour apprendre le Français, alors que la France paraît si loin - croiser la route du peintre Emil Nolde et de sa dernière demeure, exactement là, à  cette limite qui me paraît si étrange de deux territoires différents, de deux pays. A partir de où exactement, de quelle ligne invisible n'est-on plus danois mais allemand? Et que dire  des pierres, des plantes, des ruisseaux qui se trouvent à cet endroit?
Emil Nolde est né allemand, dans le Land du Schleswig. La 1ère guerre mondiale fait de sa région natale une terre danoise. Par amour pour sa femme Ada, il en prend lui aussi la nationalité. Par amour pour ses origines allemandes, il finira sa vie un peu plus au sud de la frontière, dans leur maison de Seebüll. Sur place pour les visiteurs, quelques tableaux, quelques objets, mais surtout un jardin incroyablement fleuri, et la campagne autour, sur laquelle on ne peut s'empêcher de porter un autre regard, à la recherche des couleurs folles d'Emil Nolde.





dimanche 21 septembre 2014

Etwas gut für die Welt

Ces derniers jours ont été comme guidés par une même voix, traversés par le même souffle. Je crois que cela n'arrive pas souvent, ou que je n'y fais d'habitude pas assez attention. Sans doute la nouveauté, les habitudes à prendre, les rues à apprendre et les choses à renommer nous rendent plus alertes à ce qui fait le quotidien.

Cela a commencé par un documentaire "Moins, c'est mieux ?"  sur la nécessité des petites actions collectives pour vivre dans un monde que l'on veut meilleur. Cela a suivi 3 jours plus tard, par la réponse d'Alex, "garçon au pair" anglais à Hambourg, à qui je demandais ce qu'il voulait faire ensuite : "Etwas gut für die Welt" Quelque chose de bien pour le monde.
Le lendemain, à une lecture, j'écoutais Lionel Trouillot citer René Char et la "Bonne santé du malheur", nous exhorter à oeuvrer pour la bonne santé du bonheur, collectif de surcroit.
Enfin  un cours sur la laideur de l'architecture contemporaine , sur l'oubli volontaire de la beauté, sur les valeurs  libérales revendiquées à travers les bâtiments qui nous entourent, me rappelait de regarder encore mieux autour de moi. Ou pourquoi nous ne vivons plus dans le beau.

Chaque jour passé ici me renvoie à chacune de ces questions, chaque pas dans le métro, chaque nouvelle rencontre, chaque regard porté sur les gens croisés sur mon chemin.

Et toujours à l'intérieur, espérer le beau, le bon, le juste, et vouloir croire qu'à défaut d'autre chose, pour le moment, un sourire y contribue.

lundi 15 septembre 2014

Partout où il n'y aura rien, lisez que je vous aime



 

"J’écris sans voir. Je suis venu ; je voulais vous baiser la main et m’en retourner. Je m’en retournerai sans cette récompense ; mais ne serai-je pas assez récompensé si je vous ai montré combien je vous aime ? Il est neuf heures, je vous écris que je vous aime. Je veux du moins vous l’écrire ; mais je ne sais si la plume se prête à mon désir. Ne viendrez-vous point pour que je vous le dise et que je m’enfuie ? Adieu, ma Sophie, bonsoir ; votre cœur ne vous dit donc pas que je suis ici ? Voilà la première fois que j’écris dans les ténèbres : cette situation devrait m’inspirer des choses bien tendres. Je n’en éprouve qu’une : je ne saurais sortir d’ici. L’espoir de vous voir un moment m’y retient, et j’y continue de vous parler, sans savoir si j’y forme des caractères. Partout où il n’y aura rien, lisez que je vous aime."
 
Denis Diderot, Lettre à Sophie Volland

mardi 9 septembre 2014

nouveau(x) rythme(s)

Celui du chemin quotidien vers le bureau, du métro, 3 stations, 1 changement, 2 stations encore, quelques marches d'escalators, deux grandes rues à longer, deux étages à monter.

Celui de la rumeur de la ville, si différente à chaque quartier traversé, mouvement qui tangue du port et balancement tranquille de Sankt Pauli, palpitations rapides de Reeperbahn et souffle chaud de Planten un Blomen.

Celui surtout des langues dont on use et change et transforme, passer de l'allemand au français et croiser l'italien avec l'anglais, et tout mêler sans contraintes parce qu'au bout du compte il y a là le miracle pour se comprendre, pour s'entendre et faire résonner ensemble des sons qui jusque là ne cohabitaient pas. Le tout sans la moindre cacophonie.