vendredi 8 juillet 2016

extraits nippons



-Sous les arcades de Kyoto j'avance d'un pas mesuré et les haut parleurs se chargent de jouer la B.O de ce film à double vitesse. Celle extérieure et celle de mon cerveau.

-Retour au Japon accueillie par des mots et des mains réconfortants, des mains qui se posent sur mes épaules "toi tu as le dos de quelqu'un qui n'a pas parlé" et c'est vrai, cela résonne en moi comme une évidence déjà avouée.

Je repense à cette autre phrase, lue cette fois, et qui ne parle pas de moi ou si peut être, et là aussi c'est exactement ça, mes organes résonnent trop fort aux sons des voix, des pensées, des non dits mais je ne cherche plus la fuite.

-Il y a ce corps dont on cache ou dévoile à loisir les aspérités et les secrets. Je suis ce corps, ces muscles tendus et cette peau sèche, je suis ce corps, je suis ce corps, comme un mantra.

-J'ai du temps à perdre et je n'aurais pas de regrets car en n'attendant rien on ne se déçoit pas.
Je ne peux pas épuiser la multitude, je ne peux pas décrire en une liste ce sentiment particulier d'être envahie sous une multitude de bruits, de choses, de sens et en même temps sentir grandir à l'intérieur de soi une paix bien appréciable.

-Faire des kilomètres autour de la terre, lorsqu'on ne sait plus pourquoi, on tente de trouver des signes.
Au musée d'art moderne, c'est Max Ernst qui m'attendait.
Découvrir une ville en en suivant le lit, celui de la rivière qui rythme au hasard les vies citadines. On est plutôt bien ici , c'est ce qu'on m'a dit hier et je veux bien le croire, cela se sent, cela s'infiltre en vous malgré les vêtements, malgré la carapace à émotions.
Si je devais fêter cet anniversaire, c'est sur ma peau que je graverais Athéna en symbole, gratter l'écorce jusqu'à sa sève et laisser transparaître au soleil les traces de la douleur, celle qui peu à peu s'amenuise mais comme tout coup trop dur laissera toujours sa marque. S'il le fallait j'afficherais publiquement l'enfant aux yeux de charbon, un oiseau noir au centre du coeur.

Entre devoir et vouloir la vie tranche parfois pour vous et si on lui fait un peu confiance elle suit la rivière dans le bon sens.
Il est 20h35 et il pleut doucement sur Kyoto, l'équilibre.





J'ai la beauté facile et c'est heureux.
Je glisse sur le toit des vents
Je glisse sur le toit des mers
Je suis devenue sentimentale
Je ne connais plus le conducteur
Je ne bouge plus soie sur les glaces
Je suis malade fleurs et cailloux
J'aime le plus chinois aux nues
J'aime la plus nue aux écarts d'oiseau
Je suis vieille mais ici je suis belle
Et l'ombre qui descend des fenêtres profondes
Epargne chaque soir le coeur noir de mes yeux
Paul Eluard, La parole